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Battements de cœur Pose tes lèvres sur ma bouche Pose tes lèvres sur mon cœur Vois comme il bat il bat ce cœur Pour toi mon amour ma peur Je sais tu ne m’as rien promis Aucune de ces amours toujours Tu ne m’as même pas fait la cour Je t’aime tu m’aimes et tout est dit Mais je ne peux vivre sans toi Otée de toi ôtée de tout Je pose tout ne retiens rien Rien qui mérite le nom de vie Et quand au fil de nos caresses Ta tendresse vient à fléchir Je tremble soumise à tes désirs Que tes désirs ne soient plus qu’un Un mot un seul mais qui déchire Un mot qui rime avec mourir Partir !... si tu partais Mon cœur de battre s’arrêterait |
Ecoute Ecoute Il va venir celui que tu attends Le cavalier lointain de tes jeunes années Celui qui s’en venait sitôt la nuit tombée Chevaucher les étoiles Parmi les champs de lune Il va venir Tu l’attends
Ecoute Il va venir celui que tu espères De l’autre bout du monde sur son grand cheval blanc Il galope vers toi dans les lueurs du couchant Semant ses quatre fers Au gré des quatre vents Il va venir Tu l’attends
Ecoute Il va venir celui que tu appelles Son nom a ricoché sur tous les océans L’écho par tous les monts L’a répété cent fois Et cent fois l’a porté jusqu’au firmament Il va venir tu l’attends
Ecoute Il va venir celui pour qui tu pries Chaque jour chaque soir quand s’éveille la nuit N’entends-tu pas sonner sur les chemins du temps Le cor et l’olifant Ne les entends-tu pas Il va venir Tu l’entends
Enfin Il est venu celui dont tu rêvais Ses cheveux étaient blancs et son cheval boitait Tu lui as dit le vieux Et il t’a dit la vieille Les rêves sont cruels quand ils durent trop longtemps
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Ephémère J’ai poussé la porte du jardin Tu n’étais pas là J’ai poussé la porte à fendre l’âme à fondre en larmes Tu n’étais plus là Disparue ton ombre sur la mienne Et la terre, noire L’été dernier elle était soleil de juillet. J’ai foulé aux pieds l’herbe du jardin Tu n’étais pas là J’ai marché nu-pieds à fleur d’âme à fleur de larmes Tu n’étais plus là Disparue l’ombre de tes pas Et la terre, froide L’été dernier elle était chaleur de midi. Je t’ai cherché au fond du jardin Tu n’étais pas là Je t’ai cherché à perdre l’âme à perdre larmes Tu n’étais plus là Disparue l’ombre de ton ombre Et la terre, lourde L’été dernier elle était ciel de lit. J’ai cueilli une fleur au fond du jardin Tu n’étais pas là J’ai cueilli une fleur, une fleur de coeur une fleur de peine L’été prochain elle refleurira Mais tu ne seras plus là Jamais |
Des mots Des mots pour dire l’enfance Le temps de nos jeudis Fermer les guillemets L’enfant est déjà parti Des mots pour dire l’amour Le temps de nos saisons Je t’aime tu m’aimes Plus Le temps d’une chanson Des mots pour dire l’absence Des mots pour s’insurger Pour ne pas accepter Des mots de barbelés Le temps de nos questions Que nous reste-t-il donc ? Des mots du temps qui passe Et qui s’accrochent au rêve Des mots en rouge et noir Et en rose et en vert Des mots venus d’ailleurs Des mots et des couleurs. |
Promesses
Tard d’hier soir La mer parlait de toi Les vagues parlaient de toi sur le sable effacé Et les larmes d’embrun au-dessus des rochers Jusque tard d’hier soir en vain je t’ai cherché Cent fois j’ai cru t’entendre et cent fois j’ai crié En vain ton nom Ils sont restés muets tous ces lointains perdus Je n’ai pas vu blanchir sur les crêtes mourantes La frêle goélette aux voiles d’horizon Aucun souffle n’agitait le moindre pavillon Le vent dans les haubans avait cessé de geindre
Tu m’avais tout promis L’ivresse des grands mâts dans le ciel déployés Des voilures plus légères qu’un bruissement de soie Des filets à craquer tissés de fils d’argent Sur des morceaux de lune au fond des océans Tu m’avais tout promis Je t’avais tout donné Mon nord mon sud et l’est avec le ponant Et l’après et l’avant et Dieu aussi je crois Tu as tout emporté Et même la boussole et même le sextant Partis à la dérive sous un ciel sans haubans
Il ne me reste aux lèvres qu’un sel d’amertume Une ombre de lumière égarée dans la brume Et des larmes d’embrun accrochées aux rochers Et les vagues et la mer Sur le sable effacées |
Rêverie
Il est un blanc pays Où vont s’échouer les rêves Un territoire lointain Où le passé fleurit J’y vais souvent le soir Lorsqu’à la nuit tombée Se glisse tout là-haut une lune discrète.
Le chemin qui m’emmène Dérive au gré des songes Il s’accroche aux étoiles Et côtoie les abîmes J’y plonge les yeux fermés Le temps a le vertige Je louvoie à travers Le ciel des jours enfuis
Ce pays porte en lui Tous mes instants perdus Lambeaux d’amours anciennes Douceurs d’un soir d’été J’avance sans bouger Dans un rêve sans sommeil Où surgissent du néant Des mirages oubliés
Il me reste au réveil Un goût de déjà vu Et d’étranges tiédeurs Dans le creux des paupières Des mots venus d’ailleurs En forme d’alibi Des rêves de poèmes que je n’écrirai pas. |
Soir
Faire une promenade au bord de l’eau Sous les rayures des grands peupliers Suivre la trace des hérons Suivre nos traces au bord de l’eau
Glisser mon bras dessous le tien Et serrer ta main très fort Serrer à en perdre mon nord Dans ton midi déboussolé
Marcher soudés l’un contre l’autre Ton pas, mon pas et puis encore Avancer vers ce qui nous attend Sans ces pourquoi ni ces comment
Chauffer nos envies au soleil A bout de feu à bout de temps Et tant d’années sans toi sans moi Si loin de tout si près de nous
Marcher sans rime ni raison Perdre la tête dans les nuages Envoyer valser les saisons S’aimer d’amour même davantage
extrait de « Des mots et des couleurs » |
Annie Mullenbach-Nigay © |
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